Cyberprépa                            Retour page accueil

 

Retour généralités

 

 

Sujet de dissertation en culture générale à Sciences po :

 

Le XXème siècle a-t-il confirmé ou infirmé la primauté du politique ?

 

 

 

 

Le XIXème siècle s’est caractérisé par l’entrée des masses en politique dans la continuité de la Révolution française. Le développement de l’industrie s’accompagne des revendications et luttes sociales du mouvement ouvrier. Ce phénomène s’est renforcé et conjugué avec l’avènement des Etats-nations. Ainsi, les unités allemande et italienne s’effectuent-elles au cours de ce siècle de même que les indépendances belge et grecque notamment. L’affirmation nationale se traduit d’ailleurs par l’expansion coloniale. Assurément, ces dimensions collectives confirment que la primauté du politique a marqué le XIXème siècle.

Le politique apporte une réponse collective au travers de structures organisées. Ainsi, le rôle de l’Etat, personne morale de droit public dotée du monopole de la violence légitime selon la formule de Max Weber, apparaît majeur pour appréhender des questions sociales, économiques ou idéologiques. Or, la fin du XXème siècle voit précisément la disparition d’une puissante idéologie collective, à savoir le communisme. Le recul du religieux par rapport au XIXème siècle en dépit de ses résurgences au travers des sectes ou de l’islamisme vient s’ajouter à cette désaffection pour les idéologies collectives. Se profile surtout, la crise de l’Etat en tant que réponse aux besoins des citoyens. L’individualisme et le libéralisme apparaissent donc à la fois comme des substituts et des symptômes du recul du politique.

Prolongeant le XIXème siècle, le XXème a au moins généralisé la primauté du politique née en occident et au plus l’a amplifié. Pour autant, un infléchissement du politique en fin de siècle est réel mais nuancé.

 

I) Primauté du politique

 

 

 

A) Sur le plan national

 

Sur le plan national, la prise de conscience d’une identité collective des mouvements ouvriers et féministes s’est traduite par l’émergence de mouvements politiques et sociaux à l’écho retentissant.

D’abord portés par les courants socialistes, les aspirations ouvrières le seront peu à peu par les communistes. Le marxisme professe que la lutte des classes aboutira au renversement de la bourgeoisie par le prolétariat exploité. Une dictature du prolétariat assure la transition vers l’abolition des classes pour, au final, le bonheur commun. La réponse à la misère ouvrière met ainsi le politique au premier plan, puisqu’elle suppose une conscience de classe pour mettre en œuvre une révolution de nature politique. La primauté du religieux, stigmatisé comme étant l’opium du peuple, a donc bien disparu.

C’est la révolution russe d’octobre 1917 qui va permettre aux bolcheviks de supplanter les mencheviks lesquels sont  partisans de la réforme en limitant l’usage de la violence. Il s’agit d’une revanche sur le « dimanche rouge » du 22 janvier 1905. Lénine jusqu’à sa mort en 1924, puis Staline vont asseoir et consolidé le communisme en forgeant l’URSS. La société russe est bouleversé par l’abolition de la propriété des moyens de production. Le riches paysans propriétaires des terres, les koulaks, paient un lourd tribut dans les années 1930. La collectivisation des terres répond aux frustrations de ceux qui en étaient privés. L’idéologie communiste va s’étendre à d’autres groupements politiques de pays européens puis au reste du monde. Pourtant au départ Trotski était partisan d’une extension immédiate de la révolution au reste du monde alors que Staline voulait la circonscrire qu’en « un seul pays ».

Ainsi en France, le congrès de Tours de 1920 entérine la scission de la SFIO entre socialistes et communistes : le parti communiste français (PCF) naît donc. Le PCF assure une représentation politique de la classe ouvrière même s’il refuse de participer au gouvernement jusqu’au Front populaire en 1936 : c’est la politique de classe contre classe. Avec le péril fasciste, leur attitude évolue suite à la marche sur Rome par Benito Mussolini en 1922, l’arrivée à la chancellerie allemande d’Adolf Hitler le 30 janvier 1933 et surtout le défilé des ligues d’extrême droite près du palais Bourbon le 6 février 1934. La rivalité entre l’extrême droite et les mouvances communistes ne s’arrête pas d’ailleurs après 1945 puisque les universités parisiennes sont scindés entre des mouvements d’extrême-gauche (anarchistes, maoïstes) et d’extrême-droite (occident) dans les années 1960-70. La jeunesse est ainsi politisée. Beaucoup d’intellectuels militent ou sympathisent avec le communisme ; Sartre, promoteur de l’engagement, en est la figure la plus célèbre mais bien d’autres suivent cette voie comme le poète Aragon ou le philosophe Althusser. Certains s’en éloignent après s’être rendu compte de la réalité politique des pays du bloc de l’Est tel que Gide ou Malraux.

La rhétorique marxiste est volontiers adoptée par d’autres mouvements de revendications au sein du féminisme et des peuples colonisés même si tous les mouvements ne s’en réclament pas. La femme emprisonnée dans l’espace privé, travaille et acquiert le droit de vote dans de nombreux pays occidentaux lors de la première moitié du XXème siècle. Les revendications des suffragettes comme Emeline Pankhurst en Grande-Bretagne ou Louise Weiss en France aboutissent ainsi. La sortie en 1949 du livre de Simone de Beauvoir Le Deuxième Sexe, va donner une impulsion nouvelle au féminisme dans d’autres domaines. Les revendications aboutissent dans les années 1960-70 avec la pilule contraceptive garantie par la loi Neuwirth, l’IVG en 1975 et 1979, la réforme du code civil substituant l’autorité parental des conjoints à l’autorité paternel.

Le changement social provient aussi de l’Etat-providence. Les idées de l’économiste Keynes et de Beveridge connaissent un tel retentissement après la Seconde Guerre Mondiale qu’il faudra attendre la crise de 1973 marquant la fin des trente glorieuses pour une remise en cause de l’interventionnisme. En France, le droit de grève est étendu aux fonctionnaires à quelques exceptions près et ce droit bénéficie d’une reconnaissance constitutionnelle dans le préambule de 1946. Le SMIG  puis le SMIC assure un salaire minimum aux salariés les moins payés. La protection sociale encadre les différents risques de la vie. La Suède constitue à cet égard un modèle en la matière.

 

 

B) Sur le plan international

 

            Sur le plan international, la mondialisation confère une importance aux relations internationales qu’elles n’avaient pas pour le quidam lors des siècles précédents.

Le général prussien Carl Von Clausevitz disait que «  la guerre est la continuation de la politique par d’autres moyens ». A ce titre les nombreuses guerres du XXème siècle ainsi que leur intensité reflètent la primauté du politique. Contrairement aux guerres de l’époque moderne et même du XIXème siècle, les populations civiles sont désormais impliquées.

            La Première Guerre Mondiale résulte justement de la politique menée par les puissances européennes. Au début du siècle, l’empereur allemand Guillaume II mène une « Weltpolitik » dangereuse pour la paix. Allemands, Anglais et Français s’affrontent pour l’expansion coloniale. Mais le déclencheur de la guerre est l’assassinat à Sarajevo de l’archiduc François-Ferdinand, héritier de la couronne d’Autriche-Hongrie le 28 juin 1914. Les nationalismes serbe et bosniaque confèrent ainsi la primauté au politique pour atteindre leurs fins.

            Déjà responsable de la Première Guerre Mondiale, le nationalisme s’exprime à nouveau en politique précipitant le monde dans la Seconde Guerre Mondiale. Le pangermanisme et l’antisémitisme du parti nazi sont responsables de la guerre en Europe tandis que l’expansionnisme japonais engendre les mêmes effets en Asie et dans le Pacifique. 

            Mais à ces nationalismes agressifs succèdent des revendications nationales des peuples colonisés. Plusieurs proclamations de l’indépendance ont lieu dès la fin de la Seconde Guerre Mondiale. L’Indonésie avec Soukarno, l’Indochine avec Ho Chi Minh seront suivies par d’autres. Conférence de Bandoung en 1955 et mouvement des non alignés marquent l’émergence politique du Tiers-monde n’appartenant pour l’essentiel ni au bloc soviétique ni au bloc occidental.

            La compétition qui oppose les Etats-Unis à l’URSS génère à la fois des alliances, des clivages, des dangers et des progrès scientifiques. Le rideau de fer évoqué symboliquement par Winston Churchill n’est pas seulement politique mais devient même physique dans la nuit du 12 au 13 août 1961 où le mur de Berlin est construit. Le découpage du monde s’opère avec des conflits comme la guerre de Corée de 1950 à 1953 ou encore la guerre du Vietnam avec l’intervention américaine à partir de 1965.

            Les hommes politiques usent du droit international et de la diplomatie pour éviter la guerre. Le XXème siècle est celui du développement du droit international surtout dans sa seconde moitié aux dépens de l’usage systématique de la force. Après un échec avec la Société des Nations dans l’entre-deux-guerres, la Charte des nations unies est adoptée le 26 juin 1946 consacrant la naissance de l’ONU. L’usage de la médiation notamment dans le conflit israélo-palestinien n’a certes pas permis d’éradiquer la guerre, mais cette pratique politique favorise la paix. En l’espèce, les accords de camp David en 1978 entre Sadate et Begin illustrent le rôle majeur du politique dans les crises.

En Europe non communautaire, les responsables politiques coopèrent avec le traité de Strasbourg instituant le Conseil de l’Europe le 5 mai 1949 ainsi que la convention européenne des droits de l’homme du 4 novembre 1950. Implicitement, le respect des droits de l’homme doit donc être protégé grâce à la volonté politique des Etats signataires de la convention.

 

 

            Ce primat du politique au XXème siècle doit être relativisé par un infléchissement dans la dernière décennie du XXème siècle.

 

 

 

 

 

 

 

II) Infléchissement du politique

 

 

A) Infléchissement réel

 

 

            Un infléchissement réel du politique au profit de l’économique s’est opéré en fin de siècle.

L’infléchissement majeur vient de la chute du communisme qui a laissé, au moins en apparence, un vide idéologique à ambition universelle et capable de concurrencer la démocratie libérale. Au politique s’est alors substitué l’individualisme, la consommation et les valeurs de la libre entreprise. Les pays de l’est se sont convertis à l’économie de marché. La démocratie semble être le seul modèle possible à terme malgré les régimes autoritaires restants. En tous les cas, l’économie de marché est adoptée même par la Chine désormais membre de l’Organisation Mondiale du commerce.

Les économistes libéraux Friedrich Von Hayek et Milton Friedman lauréats du prix nobel respectivement en 1974 et 1976, remettent en cause l’efficacité des interventions de l’Etat dans l’économie. Il ne faut pas que le politique prenne en otage l’économique avec des idées socialisantes qui compromettent la liberté ; telle est la thèse défendue par Von Hayek dans La route de la servitude. La pensée néo-classique assigne le rôle de garant des règles du jeu libéral à l’Etat à savoir limiter  l’inflation et assurer les fonctions régaliennes. Dès lors que les agents économiques ne sont plus victimes de l’illusion monétaire même à court terme comme le défend la nouvelle école classique avec Lucas et Barro, la politique économique keynésien est donc vidée de son sens. Or ce sont ces thèses qui l’emportent à la fin du XXème siècle dans le cadre de la mondialisation. La primauté du politique dans le domaine économique est dorénavant infirmée. L’échec des politiques de relance menées en France par le gouvernement Mauroy ont mis en évidence le poids de la contrainte extérieur sur la volonté politique.

Dans les démocraties l’individualisme se développe concrétisant les propos visionnaires de Tocqueville dans De la démocratie en Amérique. Le repli sur soi des citoyens, leur désaffection pour la vie politique dont l’abstention est le principal symptôme, traduisent la fin d’une prépondérance  du politique. Les adhésions aux partis politiques sont peu importantes. A cet effet, certains citoyens s’enferment dans les divertissements tels que la télévision et les jeux vidéos et n’accordent plus d’intérêt et de temps à la vie publique. Karl Popper dénonce ce risque dans son ouvrage La télévision : un danger pour la démocratie.

En France, la liberté syndicale héritée de loi dite Waldeck-Rousseau de 1884, a été suivie de la création de plusieurs mouvements syndicaux. Dès le congrès de Nantes en 1894, le principe de syndicats apolitiques est adopté. Même si les syndicats dialoguent avec les gouvernants, ils restent apolitiques. La vie sociale ne se confond donc pas avec la vie politique. Les grèves à caractère politique sont interdites.

 

 

B) Infléchissement nuancé

 

Un rempart politique est apporté à la guerre avec la construction européenne communautaire avec la CEE créé par le traité de Rome du 25 mars 1957. Il faut noter toutefois que la construction est en réalité économique. Tout d’abord, la communauté européenne du charbon et de l’acier créée en 1950 correspond à une coopération économique. La construction européenne est d’ailleurs suivie d’un échec en matière politique avec la tentative d’instituer une communauté européenne de défense en 1954. L’infléchissement du politique est ainsi nuancé. La construction européenne est d’abord une réponse économique à un problème politique : éviter la guerre en Europe. D’ailleurs récemment les débats relatifs au projet de traité établissant une constitution pour l’Europe, ont montré que les citoyens s’intéressent à la chose publique.

La fin de l’histoire annoncée par Fukuyama en 1992 ne semble pas avoir eu lieu. Désormais, le terrorisme montre que le politique est toujours présent quand bien même il se teinte de religion. Il ne s’agit pas nécessairement de souscrire à la thèse du choc des civilisations d’Huttington mais de garder la lucidité sur l’importance du politique. Sur le plan international, les attentats en Irak et en Israël demeurent fréquents. La croisade contre le terrorisme menée par Georges Bush a été un argument majeur de sa campagne électorale pour être réélu.

Le rôle des institutions internationales s’est modifié avec la fin de la guerre froide mais leur travail demeure nécessaire. Ainsi les drames comme celui de Srebenica en 1995, le génocide rwandais en 1994 rappellent-ils la vitalité dramatique du politique en matière international.

Sur le plan interne, nombre de citoyens attendent encore beaucoup de l’Etat pour résoudre les problèmes qu’ils rencontrent. Que ce soit en matière d’emploi, de logement ou de sécurité, un rôle non négligeable est dévolu au politique pour améliorer le sort de citoyens qui apparaissent de plus en plus comme des citoyens-consommateurs.

 

 

 

 

 

 

 

 

Cet infléchissement du politique semble tout de même limité. D’une part les résurgences du phénomène religieux ne semblent pas en mesure de concurrencer le politique. D’autre part, l’économique, s’il contraint en partie le politique, dépend tout de même de choix politiques. S’ajoute aussi le fait que l’économie ne couvre pas toutes les problématiques de la société. Des questions de mœurs, d’orientation idéologique comme la laïcité, peuvent engendrer des débats passionnés sans enjeu économique. Le crépuscule des Etats-nations évoqué par Alain Bihr n’implique donc pas la disparition du politique.

 

 

GODONOU Cyrille

Science po

2005