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Sujet de Contentieux administratif donné en  Maîtrise de droit public

 

Commentaire d’arrêt CE 12 mars 2003 M. Frérot

 

 

 

Dans cet arrêt du 12 mars 2003, le Conseil d’Etat se prononce sur le refus d’une fouille corporelle d’un prisonnier, Maxime Frérot. Ce pourvoi en cassation du ministre de la justice fait suite à l’annulation datée du 29 juin 2001 par la cours administrative d’appel de Paris d’un jugement rendu par le tribunal administratif de Melun le 15 octobre 1997. Le tribunal administratif avait rejeté les conclusions de M. Frérot tendant à l’annulation de la décision du directeur régional des services pénitentiaires de Paris. M. Frérot refuse d’obtempérer aux surveillants qui lui demandent d’ouvrir la bouche pour le fouiller suite à une visite au parloir.

Tout d’abord, le détenu est placé en cellule disciplinaire à titre préventif le 24 mai 1996. Puis, il est sanctionné par une mise en cellule disciplinaire huit jours durant sans sursis. Cette décision datée du 28 mai 1996 rendu par le président de la commission de discipline du centre pénitentiaire de Fresnes est confirmée, sur recours hiérarchique, le 18 juin 1996 par le directeur régional des services pénitentiaires d’Ile de France. M. Frérot entend obtenir l’annulation de la décision des 24 mai 1996 et 18 juin 1996 : il s’agit d’un recours pour excès de pouvoir. Le tribunal administratif considère que la requête relative à la décision du 24 mai 1996  est irrecevable car c’est une mesure d’ordre intérieur au contraire de la cour administrative d’appel. La décision du 18 juin 1996 donne aussi lieu à des décisions juridictionnelles contradictoires.

Les motifs de droit sont controversés car il faut déterminer la base légale de la mise en cellule disciplinaire. M. Frérot dénonce le défaut de publicité de la circulaire du 14 mars 1986 sur laquelle serait fondé la décision du 18 juin 1996, argument que retient la cour administrative d’appel de Paris. A l’inverse, le tribunal administratif de Melun a corroboré les conclusions du ministre de la justice qui fait valoir les dispositions réglementaires du code de procédure pénale comme fondement de la sanction contestée. En vertu de l’article L.821-2 du code de justice administrative, les motifs de faits sont discutés car il faut établir quelle sanction est induite par la gravité des faits. M. Frérot s’appuie sur l’article 3 de la convention européenne des droits de l’homme, dénonçant ainsi une peine inhumaine ou dégradante. Le ministre de la justice, pour sa part, s’appuie sur le code de justice administrative qui prévoit une telle sanction mais tout de même assortie de certaines limites en matière de correspondance du détenu.

L’administration est pénitentiaire est-elle fondée à sanctionner un détenu refusant une fouille corporelle par une mise en cellule disciplinaire ? De quels recours dispose le détenu en cas de sanction abusive ?

En premier lieu, le Conseil d’Etat relève les erreurs de droit de la cour administrative d’appel, à savoir l’irrecevabilité du recours à l’encontre de la détention préventive d’une part et la prise en compte d’une circulaire comme base légale de la sanction d’autre part (I). En second lieu, Conseil d’Etat tranche le litige au fond reconnaissant le bien-fondé des sanctions infligées à M. Frérot (II).

 

 

I) La cassation : les erreurs de droit de la cour administrative

 

Le Conseil d’Etat relève d’abord un recours irrecevable mais admis par la cour administrative d’appel à savoir celui contre la détention préventive. Il écarte ensuite un motif de droit erroné qui tient la circulaire du ministre, souffrant d’un défaut de publicité, pour fondement de la sanction alors même qu’elle ne fait que préciser les modalités des dispositions du code de procédure pénale.

 

A) Sur la recevabilité d’un recours contre une détention préventive

 

Pour ne pas fragiliser l’autorité nécessaire au respect de la discipline dans certaines institutions et du fait des conséquences mineures des mesures prises, le CE a écarté pendant longtemps la possibilité de recours à l’égard des mesures d’ordre intérieur. Cette position avait été initiée par l’arrêt CE 21 octobre 1938 Lote.

Les recours contre les sanctions infligées à un détenu en prison étaient encore irrecevables en 1984 (CE 27 janvier 1984 Caillol). Mais la jurisprudence rétrécit la catégorie des mesures d’ordre intérieur puisqu’elle opère un revirement en accueillant et donnant satisfaction à la requête d’un détenu puni pour avoir formé une réclamation soi-disant injustifiée (CE 17 février 1995 Marie). C’est sans doute sur la base de cette jurisprudence que M. Frérot intente un recours auprès du juge administratif. Il est vrai que la haute juridiction administrative n’a admis de juger des sanctions dont les détenus faisaient l’objet qu’à la condition qu’elles induisent des effets sensibles sur la situation des intéressés. En l’espèce, il est loisible de se demander si la gravité de la détention provisoire peut donner lieu à un recours. Or, le juge administratif fait remarquer qu’il ne s’agit pas d’une sanction mais d’une mesure d’ordre intérieur : « Une mesure de cette nature, qui n’est pas constitutive d’une sanction disciplinaire, présente, eu égard à sa durée ainsi qu’à son caractère provisoire et conservatoire, le caractère d’une mesure d’ordre intérieur qui n’est pas susceptible d’être déférée au juge administratif ». Le caractère préventif exclut par nature le caractère répressif : ce n’est donc pas un sanction.

Le code de procédure pénale prévoit une détention préventive (sans décision du conseil de discipline) et provisoire puisqu’elle ne peut excéder deux jours. Les différents critères qui font que le juge administratif assimile cette détention préventive à une mesure d’ordre intérieur sont : le caractère préventif, la volonté de préserver l’ordre intérieur et le caractère provisoire (deux jours). La cour administrative d’appel a donc commis une erreur de droit en acceptant de statuer sur une mesure d’ordre intérieur.

 

 

B) Sur la base légale de la sanction

 

            La circulaire du garde des sceaux, ministre de la justice, datée du 14 mars 1986 est relative à la fouille des détenus. Selon la cour administrative d’appel, cette circulaire aurait servi de base légale à la fouille de M.Frérot. Or, il s’avérerait qu’une publicité insuffisante aurait été faite. Partant de ce constat, la cour administrative d’appel conclut à l’absence de base légale car une telle mesure aurait dû donner lieu à une meilleure information.

            Mais l’assemblée du contentieux rappelle les dispositions du code de procédure pénal. D’une part, ses articles D275 et D406 disposent que les détenus doivent être fouillés avant et après les visites. D’autre part, des fouilles complémentaires peuvent s’effectuer à la discrétion du chef d’établissement. Ces dispositions réglementaires donnent donc un fondement réglementaire à la fouille. La détention préventive est prévue en cas de faute de premier ou deuxième degré dans le décret du 2 avril 1996 codifié en procédure pénale.

            La circulaire du 14 mars 1996 se borne donc à définir les modalités d’application de ces dispositions réglementaires. Elle n’est pas la base légale à proprement parler. La cour administrative d’appel commet ainsi une erreur de droit en considérant cette circulaire comme base en lieu et place de ces articles du code de procédure pénale.

 

Sur la base de ces erreurs de droit, le Conseil d’Etat tranche le litige au fond comme le prévoient dispositions de l’article L.821-2 du code de justice administrative.

 

II) Le jugement au fond : la confirmation du jugement du tribunal en premier ressort

 

D’une part, le Conseil d’Etat récuse les conclusions de M. Frérot selon lequel la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales aurait été bafouée. D’autre part, le Conseil d’Etat opère un contrôle minimum constatant l’absence d’erreur manifeste d’appréciation.

 

A) Une sanction qui respecte la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales

 

            S’il est établi que la sanction est conforme aux dispositions légales et réglementaires nationales, la pénétration du droit européen conventionnel en droit national permet d’invoquer d’autres sources juridiques. En l’espèce, le détenu s’emploie à démontrer qu’il y aurait violation de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

            Premièrement, l’article 3 de ladite convention stipule : « Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ». La mise en cellule disciplinaire mettrait donc en cause  l’atteinte à la dignité et à l’intimité du détenu. Or, cette sanction est assortie de garanties : les détenus ont droit à une promenade d’une heure par jour ainsi qu’à une correspondance écrite comme l’indique l’article D251 du code de procédure pénale. De ce fait, le droit à la correspondance évoqué à l’article 8 de ladite convention est respecté. Ce droit à la correspondance n’était pas reconnu à un détenu dans l’affaire Marie jugé le 17 février 1995 et justifiait eu égard aux conséquence sur l’octroi de réductions de peines l’intervention du juge administratif. La privation de visites, cantine et autres activités ne constituent donc pas des « peines ou traitements inhumains ou dégradants ». M. Frérot est donc débouté sur ce point.

            Deuxièmement, l’attitude du détenu contrevenait au maintien de l’ordre public. La mesure était donc d’autant plus nécessaire que l’intéressé récidivait.

 

B) L’absence d’erreur manifeste d’appréciation dans la sanction

 

            L’ultime argument juridique que le justiciable tente d’opposer consiste à dénoncer « une sanction abusive » au regard des faits. Il y aurait « erreur manifeste d’appréciation » de l’administration pénitentiaire. En invoquant une telle erreur, le requérant en première instance sollicite un contrôle minimum du juge administratif alors même qu’il donne l’impression de vouloir obtenir un contrôle de proportionnalité soit un contrôle maximum.

            La plus haute juridiction administrative se borne à ce contrôle minimum. En effet, les textes réglementaires prévoient d’une part un pouvoir discrétionnaire pour les fouilles et d’autre part une sanction maximale de trente jours pour la cas d’espèce. Au regard des antécédents du détenu, il n’y a donc pas erreur manifeste d’appréciation.