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Sujet donné en préparation de concours administratifs
Dissertation de droit public
en 5h : Doit-on craindre une
juridicisation excessive aujourd’hui en France ?
Introduction : Le recours au
juge et au droit s’est accru de tel point d’être banal désormais. Ce phénomène
touche bien entendu le contentieux judiciaire mais ne se limite pas à lui.
Ainsi, les contentieux constitutionnel et administratif connaissent aussi un
développement en France, qui amène à s’interroger sur les excès de ce phénomène
désigné par le vocable de juridicisation.
I)
Une juridicisation traduite par une
extension du champ de recours
A) Une juridicisation en matière administrative
1) Une juridicisation étendue aux actes
internes à l’administration mais faisant grief
Le
juge accroît son champ de contrôle. Cette évolution vise à répondre à la
demande des administrés qui peuvent être sérieusement lésés par des actes
insusceptibles de recours.
a) Des conditions
de recevabilité plus souples favorables aux administrés
La jurisprudence adopte une conception extensive des conditions de recevabilité : l’intérêt à agir et l’acte faisant grief. En lieu et place de l’intérêt personnel (CE 28 décembre 1906 Association des patrons coiffeurs de Limoges), est admis l’intérêt collectif. En lieu et place de l’intérêt direct, est admis l’intérêt éventuel (CE 29 juin 2001 M.Vassilikiotis et CE 5 mars 2003 M.Titran).
En revanche,
Le CE n’admet plus le recours direct des justiciables contre une mesure
préparatoire entaché d’un vice avant qu’elle n’ait donné lieu à une décision. Si le cas des mesures préparatoires semble particulier, il
faut rappeler que celles-ci demeurent invocables après la prise de décision et
peuvent donner lieu à l’annulation de ladite décision dès lors que les mesures
préparatoires sont entachées de vices (CE 15 avril 1996 Syndicat CGT des
hospitaliers de Bédarieux).
b) Une limite
floue entre mesure d’ordre intérieur et décision faisant grief
Les mesures d’ordre intérieur qui ne peuvent faire l’objet d’un REP connaissent une réduction drastique. Beaucoup sont transformées en décisions faisant grief. Que ce soit dans la notation des fonctionnaires (CE 23 novembre 1962 Camara ; CE 22 novembre 1963 Vanesse) et des militaires en particulier (CE 22 avril 1977 Pierron). Le contrôle des sanctions disciplinaires est désormais possible dans les prisons (CE 17 février 1995 Marie et par CE 8 décembre 2000 M.Frérot) ou dans l’armée (CE 17 février 1995 Hardouin et Ce 18 mars 1998 M.Druelle).
L’année 1992 marque le grand tournant juridique des mesures d’ordre intérieur. Le CE se prononce sur les règlements d’établissements qui sanctionnent les élèves portant des signes religieux (CE 2 novembre 1992 Epoux Khérouaa ; CE 14 mars 1994 Dlle Yilmaz et CE 10 mars 1995 MM.Aoukili). Ils constituent donc des actes administratifs pouvant faire grief.
Les
règlements intérieurs des collectivités locales (CE 10 février 1995 Riehl et CE
10 février 1995 Commune de Coudequerke-Branche c/ M.Devos) et des services
publics locaux ne sont pas en reste (CE 28 avril 1995 Potier: le règlement
d’une cantine scolaire municipale).
2) Une juridicisation des actes de
gouvernement détachables problématique
De
nombreux actes de gouvernement ont été transformés en actes détachables.
a) Des actes détachables qui sont source
de tensions
Le domaine réservé des relations entre les pouvoirs publics français est désormais ouvert à la catégorie d’actes détachables. La mission d’un parlementaire en mission suite à une nomination du Premier ministre ne s’inscrit pas dans l’exercice de sa fonction de parlementaire. Par conséquent, le rapport remis n’est pas couvert par le régime d’irresponsabilité (CC 7 novembre 1989 et CE 25 septembre 1998 Mégret). Est un acte détachable, le refus du Premier ministre de prendre un décret sur le fondement de l’article 37 alinéa 2 de la Constitution de 1958 destiné à abroger une disposition législative intervenue en matière réglementaire (CE 3 décembre 1999 Association ornithologique et mammologique de Saône-et-Loire et Rassemblement des opposants à la chasse). La décision du Président de la République de faire fleurir la tombe du maréchal Pétain est aussi susceptible de recours (CE 27 novembre 2000 Association Comité tous frères).
La frontière de moins en moins étanche entre le politique et l’administratif a déjà causé de vives tensions entre le pouvoir politique et le CE. Ainsi en fût-il en 1962, lorsque le CE annula une ordonnance par le par le Président de la République sur le fondement d’une loi référendaire qui instituait une cour militaire de justice pouvant condamner à mort sans voie de recours (CE 19 octobre 1962 Canal, Robin et Godot). Le CE s’opposait alors à l’ordonnance du général de Gaulle. Le CE invoqua l’atteinte aux principes généraux du droit pénal. Si en l’espèce, l’enjeu d’un recours possible était d’une extrême gravité pour les requérants, le souci croissant du CE en matière de recours semble corroboré par l’évolution jurisprudentielle.
b) Une juridicisation qui peut peser sur
les relations diplomatiques
Même si le glas des actes de gouvernement n’a pas sonné, la réduction des actes entrant dans cette catégorie est significative. De nombreux actes de gouvernement en matière diplomatique ont été transformés en actes détachables. Tel est le cas en matière d’extradition (CE 2 juillet 1836 Boidron : l’extradition est un acte de gouvernement, CE 28 mai 1937 Decerf : l’extradition est un acte détachable, CE 15 octobre 1993 Gouverneur de Hong Kong - Royaume-Uni d’Angleterre et d’Irlande du Nord et CE 14 décembre 1994 Confédération helvétique : le CE annule ainsi des décrets d’extradition au motif que le droit en vigueur dans le pays requérant n’est pas conforme à «l’ordre public français»). Le CE refuse l’extradition susceptible d’avoir des conséquences d’une gravité exceptionnelle pour la personne réclamée en raison de son âge et de son état de santé (CE 13 octobre 2000 Kozirev). Un accord de coopération culturelle et technique franco-zaïrois n’étant pas la conséquence directe, nécessaire et inéluctable du traité, il est détachable et constitue un acte administratif susceptible de recours juridictionnel (CE 14 mai 1993 Ministre de la coopération c/ Bonn).
B) Une juridicisation en matière constitutionnelle
1) Une constitutionnalisation utile voire nécessaire.
a) Une constitutionnalité des lois garantie par un juge constitutionnel
b) Un gardien des libertés individuelles même sans exception d’inconstitutionnalité
2) Une juridicisation futile voire excessive.
a) La crainte du gouvernement des juges
b) Une constitutionnalisation dont la subjectivité est contestée
II)
Une juridicisation traduite par une
intensité grandissante du contrôle juridictionnel
La séparation des pouvoirs, le
problème de l’urgence, le contentieux constitutionnel, juridicisation
insuffisante, exception d’inconstitutionnalité, la cour européenne des droits
de l’homme.
A)
Une
intensité du contrôle au service des administrés
1) Un
contrôle maximum du juge administratif qui s’étend
2)
Une subjectivisation du contrôle
Le
juge prend en compte des considérations esthétiques (CE 27 mai 1977 Cassignol).
B)
Une
intensité des recours qui dessert les administrés
1)
Une gestion
difficile de l’urgence
2)
Un
allongement des procédures engagées