Cyberprépa
Sujet de Géographie (6h en Khâgne B/L épreuve de type ENS Ulm/Fontenay/Cachan): Métropolisation et métropoles dans le Mercosur
Pays fortement inégalitaires, les quatre nations du Mercosur sont marquées par de très fortes concentrations sociales et spatiales. A la concentration de richesses, répond la concentration humaine ; au vide des campagnes, répond la surpopulation urbaine. La métropolisation désigne la très forte concentration des activités et des hommes dans une grande ville. Les métropoles correspondent à ces grandes villes qui regroupent l’essentiel des activités stratégiques notamment et qui ont l’exclusivité de certains services. Les métropoles s’inscrivent dans la logique de l’internationalisation des échanges, c’est pourquoi la ville-centre domine une périphérie qui correspond à son aire d’influence.
Quels sont les facteurs explicatifs de cette métropolisation ? Quels problèmes soulève c phénomène ? Quels en sont les enjeux socio-économiques ?
Nous allons montrer dans un premier temps, l’intensité de la métropolisation et sa propension à augmenter puis nous dégagerons dans un deuxième temps les facteurs explicatifs du phénomène. Dans un troisième temps enfin, nous essaierons enfin de mettre en évidence le fait que les métropoles laissent transparaître les enjeux sociaux et économiques du Mercosur.
La localisation des métropoles et leur organisation géographique sont révélatrices de certaines particularités. On mettra en évidence la métropolisation littorale puis la prépondérance du modèle centre-périphérie et enfin l’absence de hiérarchisation qui est caractéristique du tissu urbain.
L’histoire même des quatre pays, surtout du Brésil, de l’Argentine et de l’Uruguay, préfigurait la métropolisation littorale. L’arrivée des colons se fait par débarquement sur les côtes mais surtout le littoral est propice aux activités commerciales. Même quand le centre change comme c’est le cas au Brésil (passage du Nordeste au Sudeste), la très grande métropole demeure sur le littoral. L’Uruguay est l’exemple le plus frappant de cette métropolisation littorale. Le développement des villes petites et moyennes s’effectue essentiellement dans en zone méridionale dans l’Etat de Coronales. La proximité avec la capitale empêche le développement des autres d’autant plus que le pays a une faible superficie. La capitale, Montevideo, domine une aire de plus de 150km. Au Nord-ouest si Paysandu et Salto semblent échapper quelque peu à l’influence écrasante de la capitale, elles sont confrontées à leur concurrence réciproque. La métropolisation est donc exclusivement littorale. On observe également au Brésil une très forte métropolisation littorale. Seules trois villes de plus d’un million d’habitants ne sont pas sur le littoral : Manaus, Brasilia et Belo Horizonte. Les villes les plus dynamiques à l’instar de Rio de Janeiro sont sur le littoral symbolisant leur ouverture sur l ‘extérieur : il s’agit d’un modèle de développement extraverti. La très nombreuse population des villes littorales est significative du phénomène : Sao Paulo (plus de 3 500 000 habitants). Montevideo regroupe un million et demi d’habitants pour une population uruguayenne de 3 millions d’habitants. Même au Paraguay enclavé Encarnacion se situe sur le Parana permettant de commercer avec Posadas en Argentine. L’Argentine connaît également une forte métropolisation avec notamment Buenos Aires. Cette forte concentration nécessite donc une consommation d’espace supplémentaire qu’en Argentine on désigne par Gran Buenos Aires. Comment s’organise l’agglomération ?
Les pays du Mercosur ont développé le modèle centre-périphérie dans leurs métropoles. La ville-centre offre l’essentiel des services administratifs, commerciaux et le tertiaire supérieur. D’ailleurs, les métropoles sont largement tournées vers une activité tertiaire. Le tertiaire supérieur permet aux métropoles de drainer les catégories intellectuelles mais ces gros ensembles urbains fournissent également des emplois dans le secteur informel et dans les industries. Il s’est donc développé de véritables cités ouvrières autoconstruites autour de la ville-centre. Il faut absolument souligner la périphérisation visible dans l’Etat de Sao Paulo mais aussi à l’échelle de la ville de Mendoza en Argentine où la commune est peuplée de mois de 200 000 habitants mais la métropole de plus d’un million. C’est pourquoi force est de rappeler que la croissance des villes petites et moyennes est liée à cette périphérisation. Le centre offre des emplois et les travailleurs sont disposés à parcourir de nombreux kilomètres pour y travailler.
On observe une étonnante absence de hiérarchisation notamment dans les petits Etats. La seule métropole demeure la capitale au Paraguay et en Uruguay. Villarica et Conception qui ont connu un certain développement dans le passé n’assurent pas la fonction de métropole au Paraguay. Nous avons déjà évoqué la rivalité de Paysandu et de Salto en Uruguay. En définitive, dans ces deux pays, le recours à la capitale est obligatoire pour l’enseignement universitaire par exemple. Si au Brésil et en Argentine la situation est quelque peu différente du fait qu’il y a plusieurs métropoles, au sein de ces métropoles, l’absence de hiérarchisation est tout aussi frappante. Les services accessibles dans la ville-centre sont absents dans la périphérie aux conditions insalubres.
De telles conditions nous amènent à nous interroger sur les motivations des groupes sociaux qui affluent en métropole. Quelle attitude l’Etat adopte-t-il face à cet Etat de fait ?
On peut s’étonner de l’attrait des villes si elles n’offrent que des emplois précaires à certains groupes sociaux d’autant plus que ces populations ont des conditions de vie défavorables. En effet, il est difficile de comprendre la situation de villes du Mercosur sans tenir compte de la situation des campagnes. En effet, cet afflux est lié à l’exclusion de petits propriétaires qui viennent gonfler le nombre d’habitants en ville. Le choix de l’extensivité dans les campagnes ont conduit à l’exode rural car il n’y a pas eu partage des terres. C’est donc pour fuir le chômage rural que ces populations partent dans les métropoles que sont Belo Horizonte au brésil et Corrientes en Argentine. On comprend ainsi le fort taux d’urbanisation de l’Uruguay (81%). Il en résulte un étalement des villes d’où la notion de Gran La Plata qui désigne la périphérie de la ville. Les métropoles connaissent une part très importante du secteur informel. C’est pourquoi elles sont favorables aux emplois féminins. Les fonctionnaires de centre-ville offrent un certain nombre de postes de domestiques. Ainsi à Sao Paulo, 90% des femmes de plus de 10 ans ont un emploi. De surcroît, des métropoles telles que Brasilia proposent des taux de salaires relativement élevés.
La responsabilité de l’Etat dans cette situation est indéniable. Les réformes agraires ont été timides et n’ont pas permis aux petits propriétaires de rester dans les campagnes. Face au gonflement des villes, les autorités ont encouragé la ségrégation socio-spatiale dans les métropoles par exemple à Brasilia où le plan de L. Costa n’a pas été respecté. Le choix des autorités a été d’exclure du centre les populations défavorisées. Le refus de la favellisation à Sao Paulo va dans le même sens. Ainsi, la politique urbaine a favorisé l’étalement des villes. Sao Paulo s’étend chaque année de l’équivalent de l’espace du Havre ou de Brest. Les autorités ne se sont guère préoccupées de la zone périphérique.
De toutes façons, le désengagement progressif de l’Etat à l’échelle locale de la métropole, conduit à une privatisation croissante. Il y a ainsi des spéculations sur des terres du centre. La métropolisation s’explique également par le rapport de la ville à la campagne. Les productions de plus de 2500ha vont directement dans la capitale au Paraguay. Les transformations se font en métropole et dont prêtes à l’exportation. On trouve ainsi en métropole des huileries, conserveries, manufactures de cigarettes etc…
Si la métropolisation s’explique par des facteurs sociaux et les impératifs d’une économie tournée vers l’économie internationale, alors les métropoles doivent être le théâtre d’enjeux se traduisant dans le paysage.
Les métropoles sont le théâtre de luttes sociales manifestes par les symboles du capitalisme et du monde ouvrier. On retrouve dans la nature même des emplois, le clivage social. En effet dans le secteur tertiaire les disparités sont importantes entre le tertiaire supérieur et le travail informel et domestique. Les gratte-ciel du capitalisme contrastent avec les favelas délabrées de Sao Paulo. Aux services collectifs (eau, électricité) disponibles dans le centre ville, s’opposent l’insalubrité de la périphérie (absence de conduites pour les eaux usées). Le taux de mortalité infantile semble s’expliquer par cette insalubrité. La différence est remarquable quand on songe aux grandes banques internationales de la place Independencia à Asunción. A Buenos Aires, on relève également une paupérisation croissante au fur et à mesure qu’on s’éloigne du centre. Le nom même de villas miseras indique la réalité du contraste au sein de la métropole. Il est aisé de comprendre que cette situation engendre de véritables problèmes en métropole.
Les métropoles sont confrontées à des engorgements pénibles à certaines heures. Les populations exclues du centre viennent y travailler et doivent affronter la difficulté des coûts de transport d’autant plus élevés que la métropole est grande. Les trajets sont ainsi d’une durée de 2 à 3 heures pour se rendre à Buenos Aires pour certains travailleurs. Mais le problème le plus grave reste celui du logement en métropole. On comprend ainsi que ces difficultés nourrissent un climat de violence qui est encore plus vif en ville que dans les campagnes. Les riches sont obligés d’avoir des gardes du corps et ne s’arrêtent pas aux feux rouges la nuit. Inversement les escadrons de la mort, hommes de main des riches, liquident les délinquants qui sont bien souvent encore des mineurs. C’est dire combien le malaise est grand dans les métropoles du Mercosur. En réalité, c’est la déstructuration du monde ouvrier qui se profile…
En dépit de cette dimension sociale peu glorieuse, les métropoles symbolisent en même temps les mutations économiques dans le cadre de l’internationalisation. La marque d’une économie de plus en plus extravertie est visible grâce à l’installation des firmes étrangères et des industries de transformation. Des villes telles que Encarnacion, qui ont l »ambition d’accéder au statut de métropole ont bénéficié de l’immigration de populations dynamiques (Japonais). Les métropoles sont ainsi les lieux du commerce international. Peut-on espérer que ce dynamisme profite à l’avenir aux couches sociales périphériques ? En tout cas, pour l’heure Alphaville (à 34 Km de Sao Paulo) est complètement isolé de la pauvreté en se recroquevillant sur elle-même. Autrement dit le désengagement de l’Etat ne semble pas permettre une diminution des inégalités socio-spatiales qu’il a d’ailleurs d’une certaine façon tolérer voire encourager.
Les pays du Mercosur sont fortement urbanisés. A ce titre, les métropoles sont un excellent miroir des enjeux du champ social et du champ économique. Le modèle centre-périphérie s’inscrit dans cette logique. Si les métropoles sont dynamiques, elles sont toutefois génératrices d’exclusion et force est de distinguer une société à deux vitesses, l’une instruite et bénéficiant de revenus élevés, l’autre tentant de survivre dans la précarité. Il faut également rappeler qu’à l’image de cette domination économique, les métropoles dominent également les autres villes. La métropolisation littorale traduit bien l’ouverture sur l’extérieur que symbolisent les ports.
Cyrille GODONOU
Khâgne B/L (2ème année de classe préparatoire en lettres et sciences sociales)
1999