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Dissertation en droit public à Sciences Po Aix-en-Provence

 

Sujet : Elus locaux et citoyens

 

 

La création de personnes morales de droit public dotées d’autonomie budgétaire et dispensées de tutelle a priori, auxquelles sont transférées des compétences de l’Etat, correspond à la décentralisation. Ces collectivités territoriales s’administrent par des conseils élus par des citoyens locaux. De la loi du 2 mars 1982 à celle du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales, le législateur ainsi que le constituant ont consacré les droits et obligations en matière de démocratie locale. L’émergence d’une « citoyenneté locale » nécessite de définir ou redéfinir les responsabilités des élus locaux et des citoyens. Pour ce faire, la participation des citoyens à la vie locale doit être améliorée (I) et la vie publique doit être modernisée (II).

 

I) La participation des citoyens à la vie locale doit être améliorée

 

Pour améliorer la participation des citoyens à la vie locale, il convient de faciliter leur accès à l’information et le contrôle (A). Il s’agit aussi de les impliquer davantage dans le débat public local en favorisant la concertation (B).

 

A) Un accès à l’information facilité et un contrôle garanti

 

Le droit du citoyen d’accéder librement à l’information est un principe reconnu par la législation et par la jurisprudence. Antérieurement à la décentralisation, la loi du 17 juillet 1978 crée la Commission d’Accès aux Documents Administratifs (CADA) afin d’améliorer les relations entre le public et l’administration. L’avènement de la démocratie locale s’est accompagné d’une réaffirmation du principe avec la loi du 6 février 1992, laquelle reconnaît le caractère essentiel du droit de se voir communiquer des documents budgétaires d’une collectivité dont on est citoyen. Le citoyen peut consulter les délibérations des conseils élus. Ce droit de regard sur l’activité des élus est une modalité de contrôle des décisions prises au nom de la collectivité.

 

La Commission nationale du débat public (CNDP), créée en 1995 et érigée en autorité administrative indépendante en 2002, veille à la participation et à l’information du public, lorsque des projets d’aménagement ou d’équipement ayant un fort impact sur l’environnement sont en cours. Elle est notamment chargée d’organiser un débat public sur l’opportunité, les objectifs et les caractéristiques des grandes opérations d’aménagement d’intérêt national de l’État, des collectivités territoriales, etc.

 

La déclaration des droits de l’homme et du citoyen pose le principe du contrôle des agents publics en son article 15. En ce qui concerne les élus, le citoyen peut contrôler les élus par l’élection qui confère à ces derniers une responsabilité directe. Le citoyen peut ainsi valider ou sanctionner « politiquement » les choix effectués par le conseil élu. A ce contrôle politique s’ajoute un contrôle juridictionnel par lequel le citoyen peut saisir directement le juge administratif sous certaines conditions. Une personne qui s’estime lésée par un acte administratif local peut également demander au préfet de saisir le juge administratif. Le refus du préfet de saisir le juge administratif ne prive pas de la faculté de saisine directe dans le délai du recours (CE 25 janvier 1991 Brasseur).

 

B) L’implication des citoyens dans la vie locale

 

Pour impliquer les citoyens dans la vie locale, la loi du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité institue des conseils de quartier dans les communes de plus de 20 000 habitants. Ces conseils sont obligatoires pour les communes de plus de 80 000 habitants. Cette logique de concertation entre citoyens et élus passe par la reconnaissance d’instances participatives dans les structures officielles à l’instar des amicales de locataires. Les grands projets sont élaborés après déclaration par la collectivité. A cet effet, le code de l’urbanisme instaure une véritable obligation de concertation avec les populations intéressées.

La démocratie locale a vu sa consécration constitutionnelle avec la loi constitutionnelle du 28 mars 2003. Cette révision introduit des innovations majeures. Tout d’abord, le droit de pétition figure à l’article 72-1 §1 de la constitution. Les électeurs peuvent ainsi demander l’inscription à l’ordre du jour d’une assemblée locale d’une question relevant de sa compétence. Ensuite l’article 72-1 §2 institue un référendum local décisionnel. Même s’il ne peut être d’initiative populaire, il est ouvert à tous les niveaux de collectivités territoriales. La loi organique du 1er août 2003 relative au référendum local précise les modalités de sa mise en œuvre. Enfin, les modifications territoriales ou la création d’une collectivité à statut particulier peuvent donner lieu à consultation des citoyens concernés comme l’indique l’article 72-1 §3. Ces dispositions renforcent donc l’implication des citoyens dans les décisions de la collectivité.

La possibilité pour des citoyens d’autres pays membres de l’Union européenne de participer aux élections communales est un axe important de la démocratisation locale même s’il est vrai qu’ils ne peuvent être maire ou adjoint et ne peuvent participer aux élections sénatoriales. Le traité de Maastricht et la décision du conseil constitutionnel du septembre 1992 ouvre la voie à une citoyenneté locale pour les ressortissants de l’Union européenne tout en respectant la souveraineté nationale. Cette évolution a suscité des débats sur le droit de vote des étrangers aux élections municipales.

 

II) La vie publique doit être modernisée

 

Pour moderniser la vie publique, il faut élargir les compétences et moyens des élus d’une part (A) et adapter leur statut d’autre part (B).

 

A) Définir les compétences et moyens des élus pour davantage d’efficacité

 

Pour être au service des citoyens, les élus ont besoin de disposer d’un minimum de moyens. L’article 72 dispose ainsi : « Les collectivités territoriales ont vocation à prendre les décisions pour l'ensemble des compétences qui peuvent le mieux être mises en oeuvre à leur échelon. ». La loi du 13 août 2004 assure depuis le 1er janvier 2005, le transfert de compétences aux collectivités territoriales. Les élus peuvent intervenir, selon leur niveau, en matière économique et sociale, dans le domaine de l’aménagement, du logement ou encore de l’éducation et de la formation. De tels domaines rapprochent considérablement les élus des préoccupations concrètes de leurs concitoyens.

L’accès des citoyens aux documents budgétaires est le corollaire de l’autonomie financière des collectivités territoriales. L’article 72-2 garantit le transfert de ressources avec les compétences. Mais la pratique a donné lieu à de vives protestation des élus qui estimaient que les ressources étaient insuffisantes au regard des compétences transférées.

 

 

 

B) Adapter le statut des élus

 

La législation limite le cumul des mandats. La loi du 5 avril 2000 interdit de cumuler deux fonctions exécutives locales ou l’une d’entre elle avec un mandat européen. Un délai de 30 jours est laissé à compter de la nouvelle élection pour démissionner d’un des mandats faute de quoi l’élu perd automatiquement son mandat le plus ancien. L’interdiction du cumul emporte plusieurs bénéfices. D’une part, les élus dont les fonctions sont  plus restreintes se trouvent ainsi plus disponibles pour les citoyens de leur ressort. D’autre part, l’impossibilité d’exercer plusieurs fonctions exécutives limite le risque de concentration du pouvoir par des « barons locaux ».

 

Conformément à l’article 3§5 de la constitution, le législateur favorise l’égalité des sexes en matière électorale. La loi du 6 juin 2000 tendant à favoriser l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives impose une parité sur les listes de candidats. Les citoyens voient donc des listes garantissant aux citoyennes comme aux citoyens l’impossibilité pour un sexe de monopoliser le pouvoir local.

 

Les élus s’inquiètent de leur responsabilité pénale depuis la réforme du code pénal en 1994. Cette réforme répond au sentiment d’impunité que les citoyens pouvaient avoir en l’absence d’une telle responsabilité. Les critiques suscitées par cette réforme tiennent à la spécificité de l’action administrative dont le juge pénal est peu familier. D’un côté, les sanctions prévues apparaissent inadaptées dans la mesure où le code pénal prévoit des sanctions comme l’interdiction d’émettre des chèques ou la fermeture de l’établissement. De l’autre, les élus sont élus au suffrage universel et ne sont donc pas des professionnels au fait des règles de droit privé. Se pose donc le problème de concilier élus locaux représentant l’intérêt général et les citoyens avec une responsabilité pénale, laquelle suppose une professionnalisation et une répression moins regardante quant à l’intérêt général.

 

 

 

 

 

Les nouvelles modifications apportées à l’ordonnancement juridique traduisent une recherche accrue de démocratie locale. Les élus sont responsables devant les citoyens et disposent de plus de moyens pour mener des projets locaux. Au final, les critiques formulées ne portent pas tant sur la démocratie locale à proprement parler que sur des aspects financiers et de responsabilité pénale.

 

 

GODONOU Cyrille

Sciences Po

2005